La base des diagnostics de performance énergétique (DPE) publiée par l'ADEME en 2021 donne lieu à des spéculation diverses à cause d'un phénomène facilement observable sur le graphique joint. Que se passe-t-il à la frontière entre l'étiquette E et l'étiquette F ? (voir graphique en fin d'article) La valeur 330 pour la consommation d'énergie est une valeur réglementaire (limite entre 2 étiquettes) qui modifie les comportements. On parle d'un "effet de seuil". Un autre effet de seuil bien connu est celui des minima sociaux : certaines personnes renoncent à une augmentation de salaire pour ne pas perdre des aides sociales, ce qui entraînerait finalement une baisse de leurs revenus. Pour éviter ce type de phénomène, l'Etat met parfois en place des mesures de "lissage" en introduisant par exemple une série de seuils intermédiaires. Qu'est-ce qui peut pousser le diagnostiqueur à modifier son comportement à l'approche du seuil pour favoriser, dans notre cas l'étiquette E par rapport à l'étiquette F ? Le diagnostiqueur se comporte, toutes proportions gardées, un peu comme un médecin qui dit à son patient que tout va bien se passer alors qu'il sait que ses chances de survie sont faibles. Le diagnostiqueur dit au propriétaire, ne vous inquiétez pas, votre logement n'est pas en si mauvais état, alors qu'il sait que le logement risque bien d'être prochainement interdit à la location. Justement, à quoi est attribué ce comportement quand ils vient des médecins ? On parle généralement de l'empathie du soignant. Or dans le cas de la médecine, l'empathie et l'optimisme qui va avec, sont aujourd'hui encouragés car on sait qu'ils aident à la guérison. Est-il possible que les diagnostiqueurs soient empathique ? Est-ce qu'un propriétaire d'un logement qui consomme 329kWh/m/an serait encouragé à rénover pour ne pas basculer de l'autre côté de la frontière ? Cela relève d'une étude sociologique qui n'existe pas (pas encore ?). Mais en tous cas, tout c'est très différent de la fraude. Cet effet de seuil est quand même gênant pour les statisticiens car il modifie le décompte des passoires thermiques (étiquettes F et G). Dans un article récemment publié en ligne (https://www.energy-alternatives.eu/2021/11/10/DPE-passoires.html), les effets de seuils sont attribués à la fraude et les auteurs modifient la distribution en publiant un décompte des passoires thermiques légendé "La correction des fraudes a un impact essentiel." Cependant, le diagnostic immobilier n'est pas une "science objective", il est fait par des humains, pour des humains, avec des variables observables et d'autres qui ne le sont pas. Et, on l'a vu, un effet de seuil n'est pas nécessairement une fraude. Est-ce que la fraude avérée est observable dans la base DPE ? Oui. Or, en général, elle ne se joue pas sur 3kWh/m²/an mais sur bien plus. Par exemple, on trouve des maisons construites après 1948 avec un mauvais DPE (E ou F) qui sont re-diagnostiquées 15 jours plus tard avec une année de construction 1947 et un super DPE. Les spécialistes reconnaîtront là une intention avérée de détourner la législation : les diagnostics des logement construits avant 1948 étant réalisés (à l'époque) sur facture, ils peuvent se retrouver en A ou B si le logement était vacant l'année précédente. Ici, on peut suivre pas à pas le processus et on voit que les paramètres de calculs ont été sciemment modifiés. C'est différent d'un effet de seuil. En conclusion, rappelons que le DPE est un outil important dans la politique d'amélioration du logement. Il serait risqué de le discréditer en invoquant une fraude massive. Si les effets de seuil sont avant tout un révélateur d'humanité, doit-on s'en plaindre ? Marc Grossouvre (Data Scientist - Ingénieur en mathématiques, U.R.B.S)
1 Commentaire
Laisser un réponse. |
Archives
Janvier 2024
|