Le constat est unanime : le secteur du bâtiment est une clé dans l’atteinte de la neutralité carbone d’ici à 2050. Plus gros consommateur d’énergie en France [1], l’enjeu du secteur n’est pas seulement environnemental, il est aussi social avec un objectif de lutte contre la précarité énergétique. Ce phénomène a des conséquences multiples sur la santé des ménages et touchait 3.5 millions d’entre eux en 2019 [2]. Un chiffre en constante augmentation depuis la crise énergétique sans précédent installée en France et dans le monde depuis 2021 [3].
Dans son plan de rénovation énergétique des bâtiments, le gouvernement inscrit la rénovation énergétique comme étant une priorité nationale, intrinsèque à la réponse aux enjeux environnementaux et sociaux du bâtiment [4]. La décarbonation du secteur d’ici à 2050, soutenue par des instances nationales et internationales, implique un parc 100 % Bâtiments Basse consommation (BBC). Pour atteindre cet objectif, les émissions du secteur devront baisser de 95 % par rapport à 2015 et le nombre de rénovation globale devra passer de 60 000 par an (moyenne 2012-2018) à 370 000 après 2022, puis 700 000 par an à partir de 2030 [5]. Cependant, et malgré la mobilisation générale des acteurs du bâtiment publics comme privés, ainsi qu’une accélération des rénovations énergétiques ces dernières années, les résultats sont bien en deçà des objectifs ambitionnés. La massification des rénovations est bien engagée et de nombreux français font des travaux. Cependant, le nombre de rénovation globale n’est pas suffisant et les objectifs de baisse des consommations énergétiques et des émissions ne sont pas atteints. L’enquête TREMI 2020 à l’initiative de l’ADEME souligne que beaucoup de travaux de rénovation, souvent isolés, négligent l’amélioration des performances thermiques. Dans certains cas, ces travaux peuvent même conduire à une augmentation des consommations (après la première installation d’un climatiseur par exemple) [6]. Sur 5 millions de maisons individuelles qui ont fait l’objet de rénovation entre 2014 et 2016, seules 25 % des rénovations ont permis de changer de classe de DPE [7]. S’ajoute à cela, une perception des ménages sur l’état de leur habitation souvent trop optimiste qui ne facilite pas l’atteinte des objectifs. Ce constat s’explique par des politiques de rénovations (orientation, réglementation, soutien financier, évaluation, …) et des outils qui s’articulent encore trop souvent en silos, parfois avec des objectifs similaires. Le partage d’information et le retour d’expérience autour d’une stratégie commune et des moyens alignés ne sont pas encore de mise dans le secteur, ce qui amène de nombreuses limites aux actions de rénovation en cours. Le rapport 2021 sur la rénovation énergétique des bâtiments porté par Marjolaine Meynier-Millefert et Vincent Descoeur aboutit à la même conclusion : celle « d’une inadéquation des moyens, notoirement insuffisants pour atteindre les objectifs très ambitieux qui ont été fixés dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ». Parmi les freins à la rénovation énergétique évoqués dans le rapport, on peut citer :
Alors comment faire pour accélérer la massification des rénovations globales et performantes en accord avec les objectifs ambitieux du gouvernement ? Par la mise en place d’un marché structuré de la rénovation, des politiques correctement articulées et une forte cohésion entre les acteurs nationaux et territoriaux, centrée autour du partage d’informations et d’expériences. Une première piste pour construire un écosystème de la rénovation fonctionnel est l’ouverture de la donnée à l’ensemble des acteurs du secteur du bâtiment. Le travail à mettre en œuvre autour de la donnée est colossal et les financements insuffisants. Mutualiser la recherche, c’est pallier ces limites structurelles et permettre un gain de temps considérable pour faire avancer les enjeux du bâtiment. Grâce à la donnée et à une connaissance fine des territoires, il est possible d’orienter, de suivre et d’analyser les politiques de rénovation énergétique. Ces informations sont un préalable au déploiement d’organisations proactives et volontaristes des acteurs privés et publics en faveur de la rénovation. La mutualisation du travail des acteurs sur la donnée permettrait d’agir collectivement grâce à des bases de données complètes et mobilisables sur des outils communs. Un levier qui fait défaut au secteur du bâtiment. Dans un second temps, donner une définition unanime à la rénovation énergétique facilitera la création et le suivi des politiques de rénovations. Une distinction doit être faite entre rénovation « par geste » ou « par élément » et les rénovations « performantes » ou « globales ». Des rénovations partielles sont contradictoires avec l’atteinte d’un parc 100 % BBC puisqu’elles tuent les gisements sans atteindre un haut niveau de performance énergétique. Employer le même terme pour tous les types de rénovation laisse penser que les rénovations énergétiques ne sont pas efficaces. Or, les rénovations globales donnent de très bonnes performances énergétiques et il est essentiel de faire la distinction entre les deux pour orienter correctement les politiques de rénovation. La loi Climat et résilience de 2021 a bien introduit une définition de « rénovation énergétique performante » mais cette dernière est encore trop élastique et insuffisante [9]. Mettre en place de telles actions sous-entend une synergie forte entre les acteurs privés et publics du secteur. De nombreuses initiatives des territoires vont dans ce sens mais il est nécessaire de redoubler d’effort pour permettre l’émergence d’un écosystème de la rénovation unique, collaboratif et interconnecté où chaque acteur contribuerait à son bon fonctionnement. Un alignement des stratégies, des logiques d’intervention et des outils déployés pourra pallier les nombreuses limites d’un secteur aussi complexe que celui du bâtiment. Bibliographie : [1]https://www.ecologie.gouv.fr/energie-dans-batiments [2]https://www.onpe.org/archives_2019/le_tableau_de_bord_2019 [3] https://www.onpe.org/tableau_de_bord/tableau_de_bord_de_la_precarite_energetique_edition_2e_semestre_2021 [4]https://www.ecologie.gouv.fr/plan-renovation-energetique-des-batiments [5]https://www.hautconseilclimat.fr/publications/rapport-annuel-2020/ [6]https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/la-renovation-energetique-des-logements-bilan-des-travaux-et-des-aides-entre-2016-et-2019-resultats [7]https://data.ademe.fr/datasets/tremi-2017-resultats-bruts [8]https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-dvp/l15b3871_rapport-information# [9]https://www.banquedesterritoires.fr/loi-climat-et-resilience-ce-quil-faut-retenir-des-mesures-sur-la-renovation-thermique-des-batiments
0 Commentaires
Laisser un réponse. |
Archives
Janvier 2024
|